Pamela Druckerman
est américaine, journaliste de son état, et s’est installée à Paris avec son
mari il y a quelques années maintenant ; ils ont eu leurs enfants et
furent heureux en France. Je crois. Elle a été tellement impressionnée par nous
et nos principes d’éducation qu’elle en a écrit un livre, lequel est fait
d’observations et de rencontres avec des professionnels de l’enfance et des
gens comme vous et moi, ses amis, ses voisins.
J’avais lu un
article il y a six mois dans The Independent ici,
et je m’étais empressée d’acheter son livre. Pour moi, c’était enfin une preuve
que je n’étais ni folle, ni une mauvaise mère. Pamela mettait en exergue ce que
je n’ai jamais réussi à expliquer, le pourquoi je fais les choses différemment
des mamans anglaises. Pamela, étant américaine, a comme point de référence son
pays, et la façon de faire là-bas.
Je peux dire après avoir parcouru son livre (je n’ai pas encore tout lu) que
les anglais font pareils, ce doit être donc la méthode Anglo-saxonne.
En gros ce que j’ai
souvent vu ici, et que Pamela confirme, c’est que les enfants sont rois de chez
rois, qu’ils maltraitent leurs parents et j’irai jusqu'à dire qu’ils leurs font
peur. J’ai d’abord cru que c’était ces mères qui ont des enfants sur le tard et
qui consacrent leur nouvelle vie à leurs enfants. Un dévouement tel, qu’elles
en oublient d’être femme jusqu’au bout des seins. Leur vie a simplement un sens
qui n’existait pas avant. Ça m’a fait flipper la première fois de voir une
maman se faire taper par son enfant sur la figure et elle de ne rien dire à
part un petit « chtouchtou choux, bébé » d’une voix de petite fille.
Les rares fois où
ça m’est arrivé, mes enfants ont compris que c’était leur dernière fois. Après,
j’accroche les nattes de Rosie au mur et on bouge plus pendants 10 minutes pour
rafraîchir la mémoire sur qui est la patronne dans cette maison. Pareil pour
les caprices dans les supermarchés à se rouler par terre : jamais fait. Je
ne dis pas que ce sont des anges, loin de là, mais j’ai quelques règles sur lesquelles je ne déroge
jamais.
Ce problème
d’autorité concerne presque tous les parents de la middle class. Pamela compare
les grossesses des Françaises et des Américaines. Elle remarque que nous n’en
faisons pas tout un plat, que c’est naturel et qu’on ne s’achète pas 15 mille
livres pour savoir comment on fait un bébé et être la meilleure des mamans.
J’avais 24 ans quand j’étais enceinte d’Oscar et juste d’avoir vu ma grande
sœur et ma belle-sœur, m’avait suffi à vivre la chose plus sereinement. Il y
avait pourtant pleins d’inconnus. Quand Oscar est arrivé, j’ai improvisé,
prenant les conseils de ma famille et des sages femmes de l’hôpital, en faisant
mon petit mixe perso et voilà, oupla,
j’étais une maman. Avec mes défauts et mes qualités, pas forcément la meilleure
mais pas la plus nulle non plus. Je suivais mon instinct, je sentais plus les
choses qu’avant.
Pamela semble
surprise que nous continuions à vivre, manger comme si de rien était, alors
qu’on est enceinte.
Je faisais un brin
attention à comment je m’habillais par égard pour mon mari et les gens dans la
rue. Je buvais mon verre de vin par semaine (oulala) ça choquait et je mangeais tous les fromages qui faisaient
soulever des sourcils. Voilà, j’étais la brebis galeuse.
En pays anglo-saxon,
il faut allaiter au moins un an et dormir avec son enfant aussi. Donc si mes enfants ont rejoins leurs
propres chambres dès la deuxième semaine de leur vie. Oh my god ! Je suis une craignos ? L’allaitement, un
mois, presque deux pour le dernier, à peine pour celle du milieu, c’est pas mon
truc c’est tout.
Pareil ? On me
juge parce que j’ai fait différemment ?
Pamela évoque la
sur-stimulation intellectuelle des enfants entre 1 et 4 ans. Ou plutôt des
parents qui se sentent obliger de constamment les éveiller et de les
accompagner a chaque instant de leur vie. Pas d’exploration seul et de prise
d’initiatives. Il faut faire tout avec eux, se déguiser avec eux, parler comme
eux, les faire lire et compter avant tout le monde. Et quelle déception si ces
pauvres biquets ne sont pas intéressés. Au parc, on fait des pâtés avec eux, on
passe l’heure à les pousser sur les balançoires et le tourniquet, et ces
charmants bambins font courir leur mère partout, c’est eux qui décident.
Forcément pour moi, c’était décevant d’être la seule sur le banc à regarder
vaguement que ma gamine ne se plante pas du toboggan et encore, je me disais au
fond, faut bien tomber pour apprendre. Il y a une nouvelle vague de parents qui surprotègent leurs
enfants, les prévient sans cesse qu’ils risquent de tomber, font des
hou et des ha à chaque fois qu’ils dérapent, ou se cognent le petit doigt.
Ces parents sont constamment derrière leurs enfants. Pour moi, un enfant doit
explorer le monde tout seul et moi, maman, interviens au dernier moment. Je
veille sur mon poussin. J’aime laisser mes enfants faire un peu leur vie et
quand vraiment ils s’ennuient, on peut jouer ensemble mais c’est rare. Je parle
beaucoup avec eux de tout et de rien mais jamais des grandes choses de la vie
sauf s’ils me demandent.
Pamela s’étonne de
notre insistance à demander à nos enfants de dire bonjour et merci. D’être poli
quoi. Ici on s’en fout de la politesse ou bien ? Jamais un enfant ne me
dit bonjour et c’est pas de leur faute, c’est les parents qui s’en foutent,
pour eux c’est pas important et je trouve que c’est plutôt paradoxale avec leur
envie d’en faire des petits génies qui s’exprimeraient comme des adultes et qui
sauraient tout sur la théorie du big bang
quand ils ne connaissent même pas la base. Pamela est en extase devant nos
« attends » quand les adultes parlent et que l’enfant doit patienter.
Mes enfants ont du mal à se l’entendre dire mais ils patientent malgré tout.
Parce que j’estime que ce que je dis a son importance, je suis un être humain
pas une machine à changer les couches et lire des histoires de Lulu –Grenadine
toute la sainte journée. Moi aussi, j’ai des trucs à raconter. Mais pas grand
monde pour écouter. Ici, à chaque fois que je suis avec une copine maman, notre
conversation passe toujours au second plan parce que petite terreur veut savoir
comment on fait le chocolat ou n’ose pas aller en haut parce que ça fait peur.
Et c’est arrivé plein de fois que ce soit impossible de parler et que je trouve
une excuse pour partir car c’était juste insupportable. Les repas aussi, ici
les parents font manger leurs enfants avant eux et vers 18h00. Très rarement,
ils mangent ensemble. A nouveau, chacun fait comme il veut et puis chez moi de
manger tous ensemble, ça veut dire coucher tout le monde tard mais c’est sympa
d’être ensemble, de se raconter nos vies, de voir ce que les autres mangent,
d’apprendre pleins de choses. Et c’est aussi sympa des fois, d’avoir des diners
sans eux, où on peut manger sans faire la police et essayer de finir sa phrase
dans dire « attends ».
Alors au final, je
passe ici pour la grosse égoïste mais c’est tout ce que je connais, ce que j’ai
eu, et franchement même si ce n’est pas parfait, je préfère mille fois ça
qu’être l’esclave de mes enfants. C’est eux qui devraient être nos esclaves
« vas me chercher le vin dans la cuisine, veux-tu petit ? »
pendant que je regarde East Enders l’équivalent
de Sous le soleil. Mais dans Londres,
donc sous la pluie et puis beaucoup au pub donc pochtronés.
Et je la remercie
Pam, car du haut de son statut de journaliste elle soulève un grave problème
pour moi : le droit à la différence. Et la tolérance. Le droit de vivre et
d’être une personne sans ses enfants. J’en ai trois, donc c’est de plus en plus
difficile pour moi de trouver le temps d’être MOI. Mais je le trouve et je
n’arrêterai jamais de le trouver, je partirai en vacances dix jours sans mes
enfants et crotte à celles qui m’ont regardé comme une mère indigne, elles qui
rêvent de le faire mais pensent que c’est incompatible avec leur vie de
famille.
Merci Pamela
Druckerman, d’éclairer un peu nos lanternes, je me sens moins seule. Et je vous
trouve beaucoup de courage pour vivre parmi des Parisiens, car c’est de
notoriété publique qu’on est pas facile à gérer.
Merci Anne Delaleu pour vos belles illustrations.