mardi 19 février 2013

Marions les!


Jusqu'à hier soir je ne savais pas trop comment argumenter mon oui au  mariage pour tous. C’est facile de dire qu’on est pour. Ou contre d’ailleurs. Je suis pour. Ça me paraît une évidence mais quand j’y réfléchis et j’essaie d’expliquer  pourquoi, à mes enfants, je trouve ça moins évident et j’y vais de « c’est pas juste, on devrait tous avoir les mêmes droits, voilà !»
Et puis, je vous ai vu manifester de ma petite fenêtre londonienne, et je me suis dit que je serai venue si j’avais été à Paris. Mais, toujours pas de mots pour mes enfants.


La semaine dernière, je suis allée au théâtre voir la pièce Judas Kiss (ça m’empêche pas de sortir cette histoire je sais !) de David Hare avec Rupert Everett, entre autre, qui incarne Oscar Wilde à un moment bien précis de sa vie. Il est amoureux d’un jeune  aristocrate qui semble plus amoureux de son art que de sa personne. L’homosexualité est alors un crime. Leur relation n’est plus secrète et la pièce commence sur les instants de tourments juste avant l’arrestation d’Oscar Wilde en Angleterre. Doit-il partir à l’étranger pour échapper à un jugement ou rester fièrement et assumer ses actes. Que va faire son jeune amant, le soutenir, se défiler ? En dehors de son homosexualité et de ses  relations amoureuses, ses thèmes de prédilection sont  abordés: la jeunesse, la mort, l’envie, la peur de vieillir. On se rend vite compte que les sentiments ne sont pas réciproques, du moins, les motivations et les priorités. Et c’est triste. Vraiment triste parce qu’il se laisse arrêter pour épargner son protégé et prendre seul la responsabilité de ses actes. C’est triste aussi d’être enchainé à son corps vieillissant quand la jeunesse vient vous toiser.

Rupert Everett est très touchant et very Oscar Wilde. Pour ceux qui ne connaissent pas Oscar Wilde, on découvre un homme fort dans ses opinions, faible en amour, spirituel et qui use de son humour pour tourner tout à la dérision. Son crime ? Son homosexualité. J’ai lu trois fois Dorian Gray quand j’étais jeune. Oui, à l’approche de la quarantaine, j’ai le droit de dire « quand j’étais jeune ». J’ai toujours été fascinée par cet homme ainsi qu’Oscar Wilde, je trouvais fascinant cette histoire de vanité et la capacité de l’être humain à prendre de terribles décisions afin de rester jeune et de reculer l’heure fatidique, celle de la mort. De laisser aussi cette vanité monopoliser une vie quand tant d’autres bonheurs sont à portée de main. Aujourd’hui, vingt ans après, ça prend tout son sens puisque j’ai parfois de grandes bouffées d’inquiétude quant à la pérennité de ma jeunesse ; et de ma beauté incontestable. Combien d’années me reste-t-il avant que je sois obligée de dire «  ah quoi bon ? J’m’en fous maintenant, au point où j’en suis, qui me kiffe à part mon mari ? » Ça, c’est s’il me kiffe toujours. Et s’il est toujours mon mari. Je vois Dorian dans mon miroir, qui me propose des liposucions, un voyage pour LA afin de refaire mes seins, mon nez, mes jambes et… (quoi ? Ouah, non, pas, ça je n’y touche pas ! Même si c’est très en vogue en Californie). Ah ! Dorian comme je te comprends surtout dans notre société actuelle où les tentations sont multiples et de moins en moins onéreuses.

Mais excusez-moi, je m’égare, j’étais là aujourd’hui pour parler du mariage pour tous. Quand je pense que c’était considéré comme un crime d’être gay. Ça paraît insensé non ? Que jusqu’en 1990, l’homosexualité était classée dans les maladies mentales, que dans certains pays encore  c’est toujours passible de peine de mort. On ne va pas refaire l’historique, mais bon, jusqu'à hier il valait mieux se cacher si on était homosexuel. On se rafraichi la mémoire sur les persécutés de la seconde guerre mondiale ? C’était hier. Aujourd’hui à l’heure de l’Ipad, du singe qu’on va catapulter sur Mars pour explorer la planète, de Rex le premier homme bionique (moitié métallique, moitié organes humains), de la technologie qui ne cesse d’inventer des nouveaux joujoux qu’on a peine à  comprendre, à l’heure où tout va vite et où on doit s’ adapter si on ne veut pas être perdu dans un océan de technologie archi sophistiquée, à l’heure aussi de  Thomas Beatie qui en est à son troisième enfantement, de ces acteurs hollywoodiens qui cachent leurs préférences sexuelles par peur d’être rayés du barreau ; dans cette ère,  des gens s’opposent au mariage des homosexuels, parce que leur petits esprits refusent de voir plus loin, de considérer un changement, d’avoir l’esprit ouvert ? Des gouvernements, des manifestants voudraient les empêcher de se marier, de célébrer l’amour, d’être uni, d’acquérir ce droit, d’avoir le choix.

Qu’on soit pour le mariage ou pas, nous, les hétéros, nous avons le choix. C’est pourquoi, le combat ici, c’est d’avoir les mêmes droits que nous, d’officialiser la légalité de l’homosexualité et de la liberté de choix de vie. Je pense à mes amis,  chers à mon cœur, qui se battent pour ces droits pendant que moi, je suis bien gentiment assise sur ma chaise, mariée à mon Pip. Moi, je l’ai eu ce droit sans me poser la question. J’ai même eu l’audace de me marier religieusement alors que je ne crois pas en dieu. Vous voyez, je fais ce que je veux de mon mariage. On peut aujourd’hui se pacser, vivre en union libre, en concubinage ou même chacun chez soi. Mais quand je me suis mariée, ce que je voulais c’était officialiser ma relation, la consolider, dire à mon homme que je ferai tout ce que je peux pour faire durer notre histoire, le dire haut et fort pour que tout le monde entende bien que j’étais amoureuse et que je prenais cette relation au sérieux. Il y aurait des hauts et des bas, ça pourrait même ne pas marcher. Mais j’ai eu l’envie de le faire. Et j’ai pu. On sait que l’amour, c’est pas forcément pour la vie et que parfois c’est douloureux. Qu’on peut divorcer, se marier plusieurs fois avec des personnes différentes, ou bien avec la même. On a le choix. Et certains font même n’importe quoi ! J’ai bien conscience que cette conception du mariage est la mienne, que chacun se marie pour des raisons différentes, mais c’est un droit, une liberté à laquelle nous ne réfléchissons plus, on peut le faire.

Je ne me suis pas mariée pour les histoires de réductions d’impôts, parce qu’on vivait déjà en Angleterre à l’époque et c’était pas transférable. Je me suis renseignée. C’était pas non plus pour avoir la double nationalité. Ça fait 8 ans que j’essaie d’être anglaise, y’a rien à faire, j’y arrive pas, c’est comme d’enfoncer un clou dans de l’acier. Et l’acier, c’est moi. Ça ne marche pas ! C’était pas non plus, parce que j’étais déjà mère d’un enfant, issu d’une union précédente et illégale, que ça faisait mieux comme dans le temps, d’être socialement uni, représenter une famille, au lieu de vivre dans le péché. Non, c’était la première fois que j’avais envie de me marier. C’était lui. Et croyez-moi, ils se bousculaient au portillon pour être l’élu, mais j’ai dit, non, Pip, c’est toi et rien que toi.
Il sait pas qu’il a eu une sacrée chance ce jour-là !

Je suis pour le mariage pour tous. Je trouve hypocrite de s’en outrer et j’aimerais comprendre la peur qui se cache derrière l’opposition violente de certains mouvements comme les catholiques. Personnellement je pense que la cause serait gagnée si le mariage civil était autorisé mais voyons grand, bousculons les diktats, mettons un coup de pieds dans la fourmilière. On peut être gay et catholique pratiquant non ? Impliquer la religion ne ferait que rallonger le débat et j’en suis déjà à ma troisième page.
Je finirai en disant que refuser ce droit serait une insulte majeure à tous ces Harvey Milk, Oscar Wilde, Armistead Maupin, Pierre Bergé, Yves St Laurent, George Michael,  Ellen DeGeneres, Ian McKellen, ou Jodie Foster plus récemment qui se sont battus et ont résisté aux critiques pour la même cause. Est-ce que tous ces hommes et femmes auraient fait ça pour rien ? Ces célébrités, certes privilégiées par leur statut, ouvrent des portes, aident la cause en la rendant d’une banalité affligeante, comme Cynthia Nixon (la rousse de Sex and the city), Roland Mouret (designer), pour ne citer qu’eux, mariés et heureux. Ça serait triste de se dire que ces gens (et j’en oublie) ont pris des risques, ont affronté le regard des autres, ont été d’une force dont nous, hétéros, n’avons jamais eu besoin de nous munir. Tout ça pour rien ?



Merci Emmanuel Elmerich pour tes illustrations, ravie de notre collaboration.





4 commentaires:

  1. Lu et approuvé.
    Candice

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  2. c'est quoi qu'est en vogue en californie ? précision svp...

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  3. blague à part, merci pour ta pierre à l'édifice, c'est important pour moi. c'est important pour tout le monde. bisous.

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  4. Pour la Californie, trouve tout seul, je ne peux prononcer ce mot. Pour le reste, de rien.

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