mardi 4 décembre 2012

I can get no satisfaction


-  Elodie, est-ce que tu veux te marier avec moi ?
-       Hum…
-       Non, mais dis moi, parce que je veux me marier avec toi, et si tu veux pas, je demanderai à quelqu’un d’autre, mais j’ai          hyper envie de me marier avec toi, tu vois.
 Bon d’accord mais…
- Attends ! (son téléphone imaginaire sonne) Allo ? allo ? c’est qui? hanhan, hum, oui, oui (quelqu’un lui parle) ah oui Cathy,       non, Elodie est occupée, elle peut pas te parler, rappelle demain.
-   Bon Elodie, alors, tu veux te marier où, dans un château, un jardin ?
-       -Oui, un jardin celui de Grandma et Grandad ?
-       Et bah voilà, on se mariera dans leur jardin. Maman, est-ce que tu peux me couper les cheveux pour que je sois le Daddy ?

C’était mon diner d’hier soir avec des invitées très spéciales. Elodie cinq ans et Rosie, ma fille, 5 ans aussi. Je pensais attendre ses douze ans, mais en fait, elle est prête pour Pretty Woman. Elle a présenté l’écrin avec, pas une, mais deux bagues, qu’Elodie pouvait choisir. C’était merveilleux.  Elles sont cousines et si j’ai le malheur de dire que ça ne va pas être possible, pour le mariage, (ce n’est pas la première fois qu’elles en parlent), Rosie me rétorque que la maman de Bella a dit que les filles pouvaient se marier entre elles. Elle en sait des choses la mère de Bella ! J’ai balbutié une réponse en attendant de trouver quelque chose de bien senti et percutant, genre que le mariage entre cousins c’était illégal, quand Cathy, mère d’Elodie, entra dans la cuisine pour me dire qu’en Angleterre c’est tout à fait légal. Et bah voilà, merci Catoche. C’est tout tracé, elles se marieront donc, avec ou sans, ma bénédiction.

Ça fait réfléchir malgré tout, cette conversation. J’étais ébahie. C’est pas Jacques Martin qui disait que les enfants étaient formidables ? Et bien, il avait raison. On ne tortille pas du cul quand on a cinq ans et des poussières. Pas de langue de bois, on y va direct et on dit ce qu’on pense. Go, go, go ! 
J’aime bien.

Dans un monde idéal, ça serait bien si nous aussi adultes, on se parlait avec cette franchise, cette clarté. Tu veux ou tu veux pas ? Point à la ligne.

Par exemple, ici sur la planète Londres, je trouve que les Anglais pratiquent la langue de bois un peu trop souvent à mon goût, enfin, ils l’appellent la langue diplomatique. (Sergei et Dimitri, il faut empêcher Pip de lire le Marie me de cette semaine. Une embuscade avec béquille dans la cuisse  gauche et frites sur celle de droite dans la ruelle derrière ses bureaux, c’est faisable ?). Quand je suis en colère et que j’ai envie de blesser mon adversaire sous la ceinture, je lui balance que c’est la langue des hypocrites. Bang ! Dans les dents. J’entame une joute verbale qui ne finira que lorsque j’aurai mis mon opposant en touche avec une autre vérité, mais que je garde pour les grandes occasions : l’Anglais est un lâche !
Oh my god, là, en général, on en vient aux mains et aux cols de chemise.

Si j’avais entendu les deux cousines plus tôt, ça m’aurait  sûrement inspiré avant mes déboires sentimentaux.


Parce que, ça décoince des situations délicates d’être direct, on peut éviter des séparations et la casse de vaisselle. Les verres surtout. Chez Ikea, ils sont pas trop chers. Mais quand même.

Demander à son bien aimé, si oui ou non bordel, il veut un enfant par exemple, je dis non. Il faut se servir de ce langage avec parcimonie, sinon après on passe un peu pour la poissonnière du coin ou la Florence Foresti de service. Par contre, je dis qu’on ne met jamais assez de franchise dans les petites choses du quotidien. Par exemple, je n’aime pas me disputer pour des broutilles, c’est donc dans ces cas-là, exactement, que les choses doivent être claires. Si mon mari passe trois heures à faire une soupe Thaï et que servie dans mon bol puis dans ma glotte, je la trouve biennnn trop épicée, je ne sais pas lui mentir. Les gouttes sur mon front pourraient de toute manière le mettre sur la piste, mais j’ai ceci dit, le choix de dire « délicieux, hum, j’en reprendrai bien un bol entier, plus un autre dans mon Tupperware de demain midi pour le bureau (si je travaillais dans un bureau),  tellement c’est bon. Oh, les gouttes, là ? C’est rien, je crois que je viens de me choper la grippe espagnole mais ta soupe, mamour, est délicieuse » ou bien « oh chéri, t’as pas eu la main morte avec le piment rouge, c’est pas sympa de me faire ce coup là, j’ai le nez qui coule maintenant tellement ça pique, c’est malin ! ?» (bastard ?) . Vous voyez, j’opte toujours pour la réponse numéro deux, je ne suis pas comme l’âne de Beridan (réelle expression française mais très peu usitée), ça évite tout ressentiment et la relation reste saine. On est ami à la fin du repas et c’est ce qui compte.

Alors un enfant ou pas Roger ? Votre horloge biologique tique à tout rompre, c’est  donc maintenant et pas dans dix ans. Calmez-vous ! Prenez l’air un chouïa exaspéré ou plutôt inquiet. Sérieuse comme la secrétaire en réunion qui se concentre pour prendre des notes et regarde son patron en lisant sur ses lèvres car elle ne comprend pas ce qu’il dit, c’est en Anglais, il a bu (il est dix heures du matin et alors ?), son phrasé est saccadé, et il bave légèrement. Impossible de prendre des notes. Vous êtes agacée, mais consciencieuse. Vous faites votre boulot. Idem pour faire un enfant.
C’est du vécu, ça s’entend non ? Pfff, je vous ai déjà dit que j’ai été secrétaire de direction. Voyons, je fais pas que rien dans la vie !!!!

On n’ouvre pas un dialogue sur la conception d’un enfant, en ricanant, en s’allumant une clope (surtout pas), en feuilletant Camping Car magazine à la librairie ou à travers la porte des toilettes pendant un pipi. Non.

Moi, après mes retrouvailles avec mon mec Pip, j’ai pas mal insisté sur mon âge et la carrière internationale qui m’attendait. J’ai dû prendre mon air mutin et dire que vraiment c’était mieux maintenant que jamais ; s’il en voulait un. Il en voulait un. J’ai fait un savant mélange de langue diplomatique et de lâche avec un nuage de langue directe.
Quoiqu’il en soit, neuf mois plus tard, y’avait un petit George à la maison. 


Illustrations de Frédéric Felder. Plus connu sous le nom de Franky Baloney, directeur commercial des Editions Les Requins Marteaux, il cultive deux passions : faire du feu pour faire griller des saucisses, dessiner des dessins  et jouer à l’euromillions tous les vendredis à 19H55. 
Merci Fred.




11 commentaires:

  1. ah! salut toi! j'ai loupé la rentrée et donc je me rattrape d'un coup d'un seul et je ricane... allez, pas de langue diplomatique, je rigole! mais aussi, je suis émue de te lire, ma chère, et heureuse de faire la connaissance, petit bout par petit bout, de toute la famille. les dessins de Julie me manquent, mais c'est un plaisir de découvrir d'autres talents. Je me demandais si je ne t'avais pas déjà croisé chez Julie et Manu, il y a quelques années, lors d'une fête à la "diable" (nous étions leurs voisins du dessous pendant 2 ans, c'était une chouette période) et si c'est le cas, je regrette bien de ne pas avoir fait plus ample connaissance avec toi en "live". qu'à cela ne tienne, je vis cette amitié virtuelle à sens unique chaque mardi, et c'est déjà pas mal.
    tous mes encouragements t'accompagnent
    vivement mardi prochain!
    Céline

    RépondreSupprimer
  2. Toujours un plaisir, ce rendez-vous du mardi !! bises Marie. Antoine.

    RépondreSupprimer
  3. Celine, si on s'était rencontré, je pense que je m'en rappellerais! Par contre, si tu es sur Paris, chez Julie exactement, un de ces quatre, je serai plus que contente d'enfin te rencontrer. Merci de me lire et de laisser des commentaires, c'est hyper gentil.

    Antoine: A mardi prochain!

    RépondreSupprimer
  4. Waouh cet illustrateur est vraiment doué ! Y'a t'il un rapport entre lui et le grand artiste d'art contemporain auteur de la non moins superbe expo "The art of Franky" ? Des bibis à vous deux.

    RépondreSupprimer
  5. Je pense MandJ que tu viens bel et bien de le démasquer. Fred-Franky, Franky-Fred c'est du pareil au même.

    RépondreSupprimer
  6. Oui c'est certain, c'est astucieux cette petite mise en couleur discrète, mais n'en déplaise à Mandj et pour rebondir sur Céline les dessins de Julie nous manquent. Les seuls à la hauteur de la prose de Marie...

    RépondreSupprimer
  7. Cher Jamie,
    Je sais, Julie nous manque a tous mais tu sais elle est très occupée. Elle est dans la maroquinerie maintenant. Elle sera ceci dit, très flattée de lire ton commentaire et moi, je m'en vais consoler tous mes amis archi talentueux qui ont illustre a mon blog depuis Septembre….

    RépondreSupprimer
  8. Erratum: Il fallait lire " archi-talentueux qui ont illustré mon blog". Merci a la prof de français intransigeante avec les fautes.

    RépondreSupprimer
  9. tout est très bien texte et dessins ,je vois bien rosie dans ses oeuvres,peut-être l'âne est-il de mr buridan?

    RépondreSupprimer
  10. Dis donc ce chapitre aura suscité commentaires et corrections!! Personne ne la connaissait celle-la maman!

    RépondreSupprimer